Michel Lermontov

Une ondine nageait au fil d'une rivière
Scintillant de clarté lunaire,
Et tentait de lancer à la lune d'argent
L'écume légère en jouant.

Le courant emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages ;
Et l'ondine chantait, et les mots de son chant
Volaient sur les rocs dans le vent.

Elle disait : «Là-bas, sur nos plages profondes,
Le soleil pénètre les ondes,
Et glissent les poissons en troupeau fluvial
Parmi des villes de cristal.

«Là, sur un chatoyant oreiller, fait de sable,
Sous des roseaux impénétrables,
Dort un beau chevalier dans les flots immergé,
Un beau chevalier étranger.

Nous avons caressé sa chevelure soyeuse
Au long des nuits mystérieuses,
Et sur ses yeux fermés, nous avons déposé
Parfois les plus tendres baisers.

«Mais j'ignore pourquoi nos si douces caresses
Ne peuvent chasser sa tristesse.
Sur mon cœur il se penche, et cet étrange amant
Ne respire pas en dormant...»

Ainsi, dans sa langueur, d'une voix qui fascine
Au fil de l'eau chantait l'ondine.
Et le fleuve emportait comme un flottant mirage
Les reflets mouvants des nuages.